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Economie
Les articles de François de la Chevalerie jùn mǎ 俊 马 sur cette page :
Et si la Chine perdait son triple A ?
le Journal les Echos du 29 décembre 2011
La réindustrialisation de la France par les PME est une illusion
le Journal Le Monde du 6 février 2012
L’entrepreneur, bouc émissaire du patriotisme du gouvernement
le Journal Le Monde du 25 Juillet 2012
Quelle est la valeur marchande d’un brevet d’un inventeur ?
le Journal Les Echos du 23 Décembre 2009
Les enjeux sanitaires favorisent l’émergence de la démocratie en Chine
le Journal les Echos Janvier 2011
Existe-t-il un politiquement correct de droite ?
le journal Les Echos, 21 juillet 2010
La question des visas entre la France et la Chine
le Journal Le Monde 4 aout 2010
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Et si la Chine perdait son triple A ?
de François de la Chevalerie publié dans le Journal les Echos du 29 décembre 2011
La crédibilité d’un pays se mesure aussi à son état sanitaire.
Si l’interminable feuilleton sur la crise de l’endettement nourrit les peurs, depuis ma lucarne chinoise, je m’offre une lecture nuancée.
L’œil rivé sur les comptes, les agences de notation traduisent en termes crus la défiance des investisseurs inquiets devant des accumulations de dette.
Sont-elles seulement bien inspirées ?
A ne s’en tenir qu’à de seules considérations financières, elles négligent un paramètre, la crédibilité d’un pays se mesure aussi à son état sanitaire.
A contrario, un pays où celui-ci est préoccupant représente un risque élevé. Célébrée pour ses remarquables finances, la République Populaire de Chine mérite un triple A.
Mais derrière la manne, une redoutable lézarde trompe cette certitude. A telle enseigne, comment expliquer que nombre de notables et de familles aisées cherchent obstinément à envoyer leurs enfants à l’étranger avec souvent l’objectif d’y acquérir la nationalité ?
Comment comprendre le projet de s’établir dans des pays souvent exsangues financièrement ?
La réponse vient de la détérioration de l’environnement en Chine. Celle-ci n’est plus théorique ou sujette à débat.
Tel un couperet, elle frappe chaque famille, les hôpitaux débordant de malades. Longtemps beaucoup n’admettaient pas l’origine du mal.
Désormais les langues se délient, le ciel sulfureux est pointé du doigt comme ces derniers jours à Pékin.
Sur Weibo, le twitter chinois, plus personne ne croit en rien. Coupables : outre la pollution de l’air, une chaîne alimentaire gorgée de métaux lourds, l’utilisation de produits dangereux dans l’habitat, le tout augmenté par la passivité des autorités locales.
Les journaux chinois foisonnent d’incidents sanitaires.
Tel jour du mercure détecté dans une boisson gazeuse tel autre de la mélamine dans du concentré de protéine de riz. Certes les autorités sont conscientes de la situation mais elles hésitent à prendre des décisions qui compliqueraient l’indispensable relèvement du niveau de vie d’une partie de la population toujours déshéritée.
Déjà bousculée par les conséquences de la décélération de la croissante mondiale, celle-ci est à cran. Du coup, les autorités privilégient les effets d’annonce. Ici, une charte environnementale pour les entreprises exportatrices. Là, la construction d’Eco villes. Souvent des trompes l’œil. Elles restent timorées car le coût du nettoyage en règle de la Chine serait astronomique.
Pire ! Elles tolèrent l’impensable comme l’autorisation récemment donnée par le Ministère de la Santé de la présence du staphylocoque doré dans des produits congelés de consommation courante, comme le riz ou la pâte à cuire. Ainsi la facture de l’endettement sanitaire s’aggravera encore pour les générations futures.
Quoi de plus normal alors que des chinois cherchent dans un instinct de survie à s’en échapper ? Pourquoi leurs enfants devraient-ils payer (de leur santé) ce dont ils ne sont pas responsables ?
Cette question devrait nourrir la réflexion des agences de notation. Alors que cet Eté, tout le monde prédisait le pire concernant l’abaissement de la note des Etats Unis, ce pays emprunte aujourd’hui à des taux bas.
Les investisseurs n’auraient-ils pas reconnu que, tout compte fait, les Etats Unis proposeraient un environnement sain ?
Si donc l’Europe prenait le chemin d’un renforcement de ses institutions vers plus de démocratie et d’efficacité, ajouté à cela une nature plutôt protégée, plus rien ne devrait incommoder des investisseurs par trop pusillanimes.
Et si ces derniers se font encore tirer l’oreille, un indice devrait attirer leur attention. Même si les comptes de leur pays battent de l’aile, rares sont les européens qui envisagent de plier bagage. Malgré tout, se maintient dans les esprits l’idée que l’Etat de Droit existe, que la contestation démocratique est possible et surtout qu’il y fait plutôt bon vivre.
La réindustrialisation de la France par les PME est une illusion
de François de la Chevalerie publié dans le Monde du 6 février 2012
Supposée fendre la spirale du déclin, la réindustrialisation de la France par les PME s’invite dans les programmes de tous les candidats, un sujet presque consensuel. Mais ont elles seulement les moyens d’y répondre ?
Têtes chercheuses de l’emploi de demain, les start-up innovantes sont en première ligne. Beaucoup annoncent des chiffres mirifiques alors que ceux fournis par le Ministère de la Recherche lequel orchestre chaque année le Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes sont d’une pâleur à faire frémir.
Depuis 1999, près de 10 000 emplois auraient été créés alors que chaque année 50 000 emplois disparaissent dans la filière industrielle. A haute qualification et forte productivité, ce secteur est peu pourvoyeur d’emploi. Qui plus est, ces entreprises évoluent dans un secteur très concurrentiel.
Dès lors tout développement n’est possible que dans le cadre d’une mondialisation consentie, diminuant par là la perspective d’un large accroissement de l’emploi national.
Les PME industriels classiques feront-elles davantage l’affaire ? Sauf la chaine alimentaire peu ou prou sanctuarisée par l’exigence de règles d’hygiène, les autres industries souffrent de l’imparable handicap du surcoût de travail.
Pointée du doigt, la Chine est un commode bouc émissaire alors que tous les pays émergents réclament indistinctement leur dû.
Moquant cette faiblesse, beaucoup évoquent la qualité durable dont seraient parés les produits fabriqués dans l’hexagone. Certes l’argument existe mais l’amélioration continue des cercles de qualités et la prédominance des filières scientifiques en Asie pourraient à terme le défaire.
Autre solution, le protectionnisme. Ajoutées aux inévitables mesures de rétorsion, il faudra alors apprendre à payer au prix fort. Dans un contexte de pouvoir d’achat déclinant, qui s’y osera ? Quand on sait à quel point certains rechignent à payer de misérables droits d’auteur, cette orientation semble illusoire.
L’on annonce une grande Banque de développement en faveur des PME. Compte tenu des moyens financiers de la France, même en mobilisant davantage l’épargne, l’apport sera marginal comme le confirme l’appel croissant dans le cas de faillite à des repreneurs étrangers.
De surcroît, aucune politique volontariste ne remplacera l’engagement personnel des entrepreneurs. Par trop fragilisés par la crise, piégées par des trésoreries souvent erratiques, seuls à assumer au final les risques, ces derniers hésiteront à s’aventurer aussi longtemps qu’existera dans la société un climat de défiance à l’endroit de l’enrichissement comme le colporte assidument certains politiques.
Pareillement le corset législatif ébranle l’esprit d’initiative. Si la simplification des documents administratifs est admise, l’inscription du motif de précaution dans la constitution a fait entrer l’innovation dans l’ère du soupçon.
Dès lors, développer une nouvelle technologie s’apparente à un chemin de croix aux innombrables chausse-trappes. Cette situation aggrave l’inégalité entre les PME et les grandes entreprises. Nées la plupart durant les trente glorieuses, ces dernières n’ont pas connu de telles entraves à leur développement.
Aujourd’hui, pour une start-up innovante, le coût de l’accès au marché en France est exorbitant alors que les multinationales françaises en sont souvent exemptées ayant délocalisé une partie de leur recherche dans des pays où le motif de précaution n’existe pas.
Alors que les politiques rivalisent dans les slogans incantatoires, rares sont ceux à être allés au charbon. Car, au delà des discours, la réalité quotidienne d’une PME est une toute autre affaire : travail à la dure, revenus incertains, responsabilités juridiques, hypothèques, des succès, beaucoup d’échecs.
Dès lors, pour beaucoup, mieux vaut se fondre dans une entreprise ou une institution à large voilure ! Mieux vaut engranger sans trop de peine les avantages dus aux diplômes, au rang.
Et cette situation tend à s’aggraver avec la multiplication d’hommes politiques de droite et de gauche professant le métier d’avocat au bénéfice des mieux lotis. Se muant dans un rapport de force défavorable, les PME font alors difficilement entendre leur voix, raflant laborieusement quelques marchés, jouant au mieux les idiots utiles de la sous-traitance.
Aujourd’hui, les difficultés des PME industriels sont emblématiques des malaises de la société française. Nullement s’agit-il seulement d’un problème financier mais d’une remise en ordre des priorités, d’une réelle implication des élites et d’une plus grande empathie à l’égard de la création de la richesse durable.
L’entrepreneur, bouc émissaire du patriotisme du gouvernement
François de la Chevalerie, Le Monde du 25 Juillet 2012
Le mot surprend. De la voix des membres du gouvernement, il revient tel un slogan. A l’identité nationale, vertèbre du précédant quinquennat, succède désormais le patriotisme.
Supposés patriotes sont ceux qui adhèrent à l’idée de justice formulée par le pouvoir. Supposés patriotes sont ceux qui maintiennent leur activité en France. Supposés patriotes sont ceux qui créent de l’emploi plutôt que de se nantir.
Dans le viseur, l’entrepreneur en lieu et place de l’immigré et de ses descendants. Entrepreneurs de longue date ayant donné naissance à de grandes sociétés, entrepreneurs d’aujourd’hui. Ce peut être chacun de nous, ayant un jour le projet de voler de nos propres ailes pour gagner de l’argent.
Loin d’une conception hasardeuse de l’esprit, l’entrepreneur assume son destin en créant, en produisant et en pérennisant des richesses.
Pour cela, il se pare d’une foi inébranlable : croire et se dédier entièrement à son objectif.
Aussitôt dit, il puise dans son bas de laine, rassemble des économies, jongle avec les hypothèques. Dans la phase de démarrage, il se contente d’un salaire de pacotille ou de rien. Dans le cas des entreprises innovantes, il sacrifie plusieurs années de revenu. Jouant marginalement, toutes les aides et incitations publiques n’y feront rien, seule compte sa capacité à mobiliser de l’énergie, du temps et de l’argent.
Une fois dans l’arène, il a l’œil rivé sur une trésorerie souvent chancelante. A la moindre incertitude, il se saigne encore plus. A la moindre bévue, le tribunal. Et, par temps de crise, les attaques sont encore plus frontales.
Il rame, l’entrepreneur ! Mais jusqu’à quand ? Ne serait-il pas, en France, une espèce en voie de disparition ?
Pas une année ne se passe sans qu’une nouvelle Loi ne lui impose de se mettre aux ordres ! Des Lois en apparence utiles : règles de sécurité, prise en compte du handicap, des discriminations, etc. Des lois sous couvert de slogan comme la responsabilité sociale de l’entreprise. Des lois enchâssées dans la constitution tel le motif de précaution, cruelle épée de Damoclès des entreprises innovantes. Des lois telles des injonctions, le poussant à des recrutements ciblés, atteignant par là son pouvoir de décision. Des lois pullulant, s’aggravant.
Obligé de déchiffrer un salmigondis de textes, distrait alors de son objectif, il se réincarne en une machine administrative où il n’est plus tout à fait maître à bord.
Aux lois, s’ajoute aujourd’hui une valse de mesures visant à récupérer de l’argent coûte que coûte. En ligne de mire, entre autres, l’entrepreneur déclaré enrichi.
Comme il a créé son activité à la sueur de son front, il entend naturellement en céder les fruits à sa famille. Ne voilà-t-il pas qu’on lui demande de contribuer davantage lors de sa succession ?
Ne voilà-t-il pas qu’il devra payer une dîme accrue pour toute récompense d’une fortune acquise au prix de beaucoup de renoncement ? Double peine !
Ne voilà-t-il pas qu’on le suspecte de patriotisme. Triple pleine !
Déjà Il se sentait le mal aimé d’un gouvernement où les entrepreneurs au gré d’un véritable déni de représentation sont absents ! Un gouvernement où, à ma connaissance, aucun membre n’a jamais investi le moindre pécule sur ses propres deniers pour créer de la richesse. Serait-ce le projet du quinquennat, la délivrance d’un brevet de patriotisme ?
L’équilibre est alors rompu. Il s’interroge alors.
A quoi sert-il au juste ? De poudre à canon ? De levier pour créer de l’emploi tout en faisant en même temps maigre ? Toujours suspecté, aussitôt dépouillé ? Serait-il devenu l’idiot utile de la République ?
A force de le mettre en coupe règle, sa foi se démembre. Dès lors la vache à lait pourrait s’avérer moins prometteuse ! Il finira par lâcher prise, s’en allant avec armes et bagages vers l’assistanat, véritable cour des miracles. Naguère le patriotisme secrétait Verdun. Aujourd’hui il annonce la déroute de l’esprit d’initiative, de l’engagement personnel.
Alors que la France est en manque d’argent, seul reste l’artiste, à l’image des légendes qui lui ont donné de remarquables réussites : Michelin, Boussac, Wendel, Peugeot, Citroën, Dassault, Schneider et bien d’autres. En le malmenant, comment assurer alors le redressement productif ?
Quelle est la valeur marchande d’un brevet d’un inventeur ?
Publié dans Les Echos n° 20579 du 23 Décembre 2009 • page 9
De François de la Chevalerie et Yue Zhang *
C’est la question que se pose chaque inventeur lors du dépôt d’un brevet. Même si le coût du dépôt n’est pas significatif, la plupart sont tentés d’y répondre favorablement.
Fort du temps passé à leurs travaux auxquels s’ajoutent certaines dépenses, beaucoup s’attribuent d’heureuses perspectives de rentrées financières. Si d’aventure ils étendent la protection du brevet à plusieurs pays, les frais s’élevant, ils réévalueront alors l’estimation.
Pourtant, préjuger du prix d’un brevet est une entreprise hasardeuse.
La valorisation financière d’un brevet n’existe qu’autant que lui est associé un produit ou un concept monnayable sur le marché. Rares sont ceux qui peuvent y prétendre. Sur 100 brevets déposés à l’INPI, seulement 0,7 % donnent lieu à des produits normés, accessibles au marché. De ce nombre, 60 % sont issus des Départements de Recherche de grandes entreprises, ces derniers disposant du temps et des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.
Des conclusions s’imposent.
La possibilité qu’un brevet « à l’état brut » présente une valeur marchande est infime, voire irréaliste. La possibilité qu’un brevet puisse se développer en dehors de structures d’accueil bien organisées, œuvrant sur le long terme, est pratiquement nulle. Rares sont déjà les PME qui peuvent y répondre. Encore moins des inventeurs agissant solitairement !
Si toutefois le brevet de l’un de ces derniers se voit reconnaître malgré tout une valeur marchande, le gain sera le plus souvent faible, couvrant tout juste les frais engagés. Exceptionnels sont les brevets dont l’acte de cession dépasse dix mille euros ! Lassés d’attendre, certains bradent leurs brevets à des structures de veille technologique dont la plupart ont partie liée avec des centres de recherche. D’autres lâchent prise, abandonnant leur invention au rayon des archives.
Cette situation bien connue est pourtant paradoxale. La majorité des inventeurs sont de « bonne foi ». La plupart dépose leurs brevets, fort de la conviction que leur apport participe de l’amélioration des techniques. Rares sont ceux qui s’y accomplissent à la légère comme en témoignent, notamment, les recherches d’antériorité ou les dossiers d’expertise joints aux dépôts.
Seulement voilà, trois problèmes bousculent leur enthousiasme : l’argent, le temps et la Loi.
Rechercher une valorisation marchande d’un brevet s’apparente à un chemin de croix. D’une étape à l’autre, les coûts sont lourds, incompressibles : les consultations, les planches d’essai, les validations techniques, l’installation d’une unité pilote, les référencements, la mise aux normes.
Ces démarches se démultiplient si le produit est appelé à être exporté. Qui plus est, rien n’est jamais acquis. Chaque fois l’incertitude de ne pas franchir l’étape suivante demeure. Ce qui a été validé dans un Laboratoire peut être contesté dans un autre. Ce qui a été accepté dans une Région ne l’est pas toujours ailleurs. Du coup, le coût estimé se situe selon une palette large, toujours au delà de 100 000 euros et culminant jusqu’à plusieurs millions d’euros. De quoi rafraîchir les meilleures intentions !
Sauf exception, les inventeurs n’ont pas les moyens de leur ambition. Certains sollicitent l’aide publique, d’autres des concours privés. Rares sont les élus !
Si d’une manière générale les banques ne soutiennent pas ce genre d’initiatives, les institutions d’aide à la recherche de l’Etat et les capitaux risques ressemblent à un miroir aux alouettes. Livré à lui même, l’inventeur ne devra tenir compte que de ses seuls apports personnels et familiaux, en raclant ses fonds de tiroir, au besoin en hypothéquant ses biens immobiliers. Incapable de réunir les fonds nécessaires, la plupart des inventeurs se trouvent dans une sorte d’impossibilité d’agir.
Si donc une mise de fonds est possible, il faudra aussi à l’inventeur vivre entre deux et cinq ans, voire plus, sans rentrée d’argent mais en consacrant tout le temps nécessaire à la mise en place du projet.
Celui ci est accaparant : élaboration de protocoles techniques, de procédures de mise en œuvre, de schémas de production, de fiches de sécurité, etc. Dès lors qu’il s’agit d’innovations complexes, ces documents peuvent prendre l’allure de thèse de recherche.
Par ailleurs, l’inventeur devra nouer de nombreux contacts avec les acteurs du marché considéré : clients, distributeurs ou prescripteurs. Inévitablement, il affrontera un dédale de directions, d’organismes ou de comités censés vérifier le bien fondé de son invention. Parfois son honneur sera mis à l’épreuve. Face à des fonctionnaires dotés de pouvoir décisionnel, il devra faire profil bas, tolérer l’absence d’écoute, peut-être le mépris.
Qui plus est, pendant cette période, la concurrence peut se faire entendre, aller plus vite, déjouer ses travaux et au final contrecarrer sinon étrangler ses ambitions. En cela, le dépôt d’un brevet est un piège.
Porté à la connaissance de l’autre, il facilite la tâche d’entreprises adverses, notamment, celles disposant de moyens.
Si ces dernières trouvent un point d’appui ou un angle différent au brevet d’origine, elles sauront faire respecter leur titre. Souvent liés à des Cabinets d’avocat spécialisés, peu rencontre d’opposition.
De nombreuses sociétés de veille technologique américaines opèrent ainsi : prendre au vol des connaissances pour ensuite s’en approprier les bénéfices.
Souffrant de manque d’argent et d’un temps compté, une autre difficulté s’annonce, l’impact du corset réglementaire.
Avec l’envahissement du motif de précaution, celui-ci est toujours plus contraignant, plus retors, se dissimulant dans les entrelacs d’arrêtés illisibles. Désormais, à tous les stades, l’inventeur devra montrer patte blanche, prouver que les applications issues de son brevet n’affectent pas l’environnement à court et à long terme.
Pourtant rares sont les entreprises industrielles nées dans les années 50-70 ayant souscrit à de telles exigences. Du coup, aujourd’hui, le Droit d’entrée est encore plus lourd, plus couteux, plus imprévisible. Des nuits entières, l’inventeur devra démêler les fils d’une législation qui française qui européenne traque la moindre bévue.
Si, malgré tout, après des années d’insomnie et de privations, sa technique accède au marché, il devra se méfier des mises en jeu de responsabilité, sujettes également à un constant raidissement législatif.
A la moindre erreur industrielle, il se fera siffler ! A la moindre négligence, le couperet ! L’annonce alors de l’échec de la valorisation du brevet !
Aussi, à défaut d’une immense énergie, d’une inébranlable conviction, d’un goût au sacrifice et au risque, de moyens financiers conséquents, la valorisation d’un brevet défendu par un inventeur a peu de chance d’aboutir. Dans tous les cas, ce dernier est un homme seul, seul juge de la poursuite d’une entreprise incertaine.
François de la Chevalerie, entrepreneur
Les enjeux sanitaires favorisent l’émergence de la démocratie en Chine !
De François de la Chevalerie, publié dans les Echos (janvier 2011)
Beaucoup s’alarment d’une Chine sourde aux Droits de l’homme, peu sujette aux concessions, tel un mur. C’est sans compter avec l’enjeu sanitaire lequel fissure chaque jour davantage les certitudes.
Aux dommages de la pollution s’ajoutent une chaîne alimentaire au contenu chimique aléatoire, l’utilisation massive de produits reconnus comme dangereux et toxiques dans l’habitat, le non respect des règles.
Longtemps galvanisés par leur enrichissement, les chinois se réveillent aujourd’hui avec la gueule de bois, certains sont malades, très malades. Derrière les façades reluisantes des gratte-ciels, des visages sont blêmes.
Mais le combat est-il seulement inégal entre des familles parfois décimées et des autorités bougonnes ? Rien n’est moins sur ! Car, dans l’ombre, bruissent les critiques. D’abord prudentes, déjà se libérant.
Chaque chinois pouvant être directement touché dans sa chair, les questions fusent sans état d’âme, n’entendant qu’une seule voix, le besoin de vérité.
Pourquoi la prévalence du cancer est-elle si forte dans notre ville ?
Pourquoi autorise-t-on ces produits ? Pourquoi cette absence de contrôle ?
Pourquoi mon fils souffre-t-il ?
Bientôt résonne les pleurs d’une épouse bouleversée : « De quoi mon mari est t-il mort ? »
Forte de 450 millions d’utilisateurs, la toile chinoise révèle ces inquiétudes. Bravant la censure s’y invitent les sifflets, lâchant sans détour une troublante question : « Mais qui sont les responsables ? » Tel un refrain surgissant au hasard des forums. S’affirmant davantage après l’incendie d’une tour à Shanghai lorsque des internautes sont allés jusqu’à reconstruire méthodiquement la chaine des responsabilités offrant quelques jours seulement après le drame un rapport d’enquête complet. Se moquant des interdits, d’autres encore traquent des lois mal faites, houspillent quelques caciques.
Et c’est alors que s’élargît le débat, le dogme de la production est pris pour cible. Comme c’est le cas du barrage des trois gorges dont les sédiments contaminés s’agglutinant sur l’ouvrage ravagent non seulement l’écosystème mais condamnent son potentiel hydroélectrique. Comme c’est le cas de l’utilisation de l’amiante toujours commercialisée en Chine. «Faut-il, soupire un Internaute, que l’on dénombre des millions de morts avant que l’on s’interroge sur le maintien d’un produit qui tue !» Comble du paradoxe, d’aucuns s’étonnent d’une croissance à l’esprit capitaliste sans rapport avec une planification ordonnée. « Sont-ce ces tours construites à la va vite et l’augmentation d’un parc automobile au rythme de 10 % l’an des richesses durables ? » s’interroge un autre.
Souvent maniée par les autorités, l’arme du silence est aujourd’hui dérisoire ! Pire, son maintien sème le doute. Selon une étude conduite par l’université de Tsinghua, près de 70 % des chinois s’interrogent sur le contenu de leur assiette. Beaucoup fustigent une médecine onéreuse, parfois hasardeuse. Devant les hôpitaux pour enfants, les parents n’acceptent plus les formules de circonstance comme ce fut le cas pour le lait contaminé. Le fond de l’air est rouge.
Face à la levée de bouclier, les autorités cherchent à reprendre l’initiative. Parfois maladroitement, révélant au passage des faiblesses.
Sur les 2865 bureaux de l’hygiène du pays, seuls 1100 seraient en ordre de marche, ceux-la même comptant avec un personnel peu formé. Suite à des scandales, des commissions d’enquête sont créées, des produits chimiques retirés.
Chaque jour, les journaux sont submergés d’alertes sanitaires comme si la stabilité du pays ne tenait plus qu’à un fil.
Sonne l’heure démocratique ! Des décisions peuvent être bousculées, voire annulées. Pareillement chahutés, des grands projets sont amendés et des lois le seront comme en témoigne le projet de réforme de la législation sur les démolitions. Dans la mêlée, des fonctionnaires peu scrupuleux sont congédiés.
Au fil des contestations, la ligne officielle s’effiloche, se disloque. Par la force des choses, désormais pragmatique, tolérant peu à peu la contradiction, le débat, reconnaissant la valeur de l’opinion, s’accommodant d’un air de liberté.
(7) Existe-t-il un politiquement correct de droite ?
de François de la Chevalerie
le journal Les Echos, 21 juillet 2010
Qui dit politiquement correct pense plutôt à un discours de gauche, friand de bons sentiments. Par ignorance d’une réalité complexe, il s’abîme souvent dans de seules leçons de morale. De surcroît, ceux la mêmes qui le professent s’en détournent dès lors qu’ils sont mis directement à contribution. Les exemples ne manquent pas : l’on maudit l’exclusion dans les quartiers populaires sans jamais y mettre les pieds, l’on s’émeut de l’inégalité des chances tout en bataillant pour que ses enfants ne fréquentent pas un établissement mal situé.
Le politiquement de correct de gauche a-t-il son pendant à droite ? Le thème de la création d’entreprise en fournit volontiers la trame. Se déclinant autour de slogans volontaristes, celle-ci est souvent présentée comme la panacée à tous les maux. Contre l’anémie du tissu industriel, contre le chômage, contre un pays par trop fonctionnarisé. S’abreuvant de supposées valeurs – dynamisme, initiative, liberté – elle serait presque le couronnement d’une vie réussie.
Seulement voilà, comme pour le politiquement correct de gauche, entre discours et réalité, se dresse un abîme. L’un comme l’autre souffrant des mêmes travers.
Alors que la droite loue les mérites de la création d’entreprise, ses protagonistes s’y frottent rarement. Car, sur le terrain, celle ci est une toute autre affaire. Son accomplissement passe par de lourds sacrifices : travail à la dure, revenus incertains, responsabilités juridiques, hypothèques sur des biens immobiliers. Bien davantage que les formalités, c’est l’inévitable prise de risque sur les deniers personnels qui perturbe. Mieux vaut se fondre dans une grande entreprise ou une institution plutôt que de s’aventurer dans l’inconnu ! C’est le choix de la majorité des tenants de l’élite entrepreneuriale en France lesquels préfèrent engranger sans trop de peine les avantages dus à leurs diplômes, à leur rang. Dès lors, vanter la création d’entreprise s’apparente à de la propagande destinée surtout aux recalés, aux jeunes, aux chômeurs, aux immigrés, à tous ceux qui n’ont pas d’autres choix que de créer leur entreprise, dixit, leur propre emploi. Cette dérive aboutit à la mise en œuvre de fausse bonne solution, comme par exemple, le statut d’auto preneur ou le concours de création d’entreprises innovantes du Ministère de la Recherche. Dans les deux cas, les résultats sont accablants avec peu de création d’emploi, une instabilité chronique. Qui plus est, ce paradoxe affecte l’ensemble de l’économie. Exceptionnellement impliqués à titre personnel dans des créations d’entreprise, les banquiers comprennent mal l’univers peu palpitant des PME, à la trésorerie souvent exsangue. En témoigne leurs difficultés à accéder aux crédits bancaires, voire à des marchés. Cette situation génère des frustrations ou de l’amertume assez comparables à celles que ressentent, de leur coté, animateurs sociaux et éducateurs.
Qu’il soit de gauche ou de droite, le politiquement correct s’offre comme la gestion à distance de problèmes souvent insurmontables. Il illustre la position d’une élite qui, tout en se parant des vertus d’un discours séduisant, est peu prompte à aller réellement au charbon.
La question des visas entre la France et la Chine de François de la Chevalerie
(Le Journal le Monde 04.08.2010)
Longtemps, la France était la destination rêvée des chinois. Telle une exigence, chacun se devait un jour de visiter ce pays ami. Comme s’y accomplirent, au temps de leur jeunesse, Zhou Enlai et Deng Xiao Ping. Depuis que la France a été le premier pays occidental à reconnaître la Chine populaire, une amitié sincère liait les deux pays. Presque une histoire sentimentale comme s’en amusent les chinois en qualifiant les français de romantique. Ce mot léger recouvrait une réalité. D’emblée, les chinois aimaient la France.
Déjà l’épisode de la présence française aux jeux olympiques avait sonné le glas d’un compagnonnage. Depuis, la mauvaise humeur persiste.
Le souhait de tout chinois étant de se rendre en France, les restrictions apportées à l’octroi des visas bousculent les meilleures volontés. Sans doute doit-on traquer les clandestins mais ce choix nourrit inévitablement la suspicion. Avant de fouler la France, chacun doit montrer patte blanche. Des lors beaucoup se rendent aux consulats, la peur au ventre. Ce sentiment existe ailleurs mais en Chine il se double d’une honte, d’une défaite. Qui plus est, l’accueil parfois mitigé réservé dans les aéroports français aux Chinois conforte ce trouble. Selon que la silhouette dérange, certains sont questionnés. Bientôt soupçonnés.
S’ajoute une rumeur, la France serait un pays dangereux. Du Shanxi au Hunan, des images circulent, des compatriotes s’y feraient détroussés. Méconnaissant la langue, habitués à vivre dans un pays où le vol est rare, ils sont des proies faciles. Se croyant en confiance, ils arpentent les rues, l’âme légère. Les méfaits dont ils sont l’objet chahutent désormais ce sentiment. Telle est l’opinion des franco chinois de Belleville, victimes d’une délinquance à caractère ethnique. Jugeant leur dynamisme commercial par trop voyant, les édiles parisiens ont souvent prêté une attention distraite à ce problème. Les exactions s’aggravant, les chinois sont descendus dans l’arène. Tel un signe de désespoir pour une communauté discrète, peu rebelle.
L’image de la France se brouille plus encore avec l’apparition de discours hostiles. Selon certains, la Chine ne jouerait pas le jeu. Sans foi ni loi, ce pays étranglerait l’économie mondiale. Bientôt, responsable de tous les maux ! Certes l’émergence de la Chine perturbe mais les vrais responsables ne sont-ils pas à rechercher ailleurs ? Au nombre, des grandes entreprises avides de rentabilité, délocalisant a tout va ; des politiques privilégiant le maintien du pouvoir au prix d’importations à bas coûts ; un recours massif à l’endettement pour tenir dans les cordes.
Mauvaise conseillère, la mauvaise humeur se propage en Chine. Déjà sourcilleux, son nationalisme économique n’est plus toujours bienveillant. Comme en témoignent des mesures récentes discriminant les entreprises étrangères, donc l’étranger. S’ajoute un semblable raidissement dans l’octroi des visas. Oeil pour œil, dent pour dent ! Triste musique !
S’installe une ambiance délétère. L’amitié se meut en un doute. Après tout, peut être est il normal que le couple franco chinois s’affranchisse d’une relation particulière, chaque pays se recroquevillant derrière ses seuls intérêts ? Peut être est-ce logique que la France épouse la position du camp occidental et la Chine, celle d’un militantisme nationaliste ? Seulement voila, poussée a l’extrême, cette approche est dangereuse. L’on ne sait jamais quand s’arrête le chacun pour soi ! Plutôt que cette pale perspective, mieux vaut s’employer à restaurer cette confiance. Sans fausse naïveté, sans compromission, sans interdit mais en jouant d’une singularité, celle de deux pays amis, soucieux de construire ensemble.